Jérémie Villaret, Centre de Recherche des Cordeliers
Qu’est-ce qu’une rétinopathie ?
La rétinopathie désigne avant tout une souffrance (du grec : pathos) de la rétine. On retrouve de nombreuses causes de rétinopathies, dont les plus fréquentes sont la rétinopathie diabétique, rétinopathie pigmentaire, rétinopathie du prématuré, rétinopathie liée à l’âge, rétinopathie secondaire aux occlusions artérielles et veineuses, rétinopathie hypertensive.
La rétinopathie diabétique, la rétinopathie pigmentaire, la rétinopathie du prématuré et la rétinopathie liée a l’âge (dégénérescence maculaire liée a l’âge = DMLA) font l’objet de chapitres à part.
Les rétinopathies toxiques (liées à des médicaments tels que les antipaludéens de synthèse, la phénothiazine, le vigabatrin, la déféroxamine, le cisplatine, la carmustine ou secondaire à une radiothérapie lors du traitement des tumeurs oculaires notamment), les rétinopathies infectieuses (virales, bactériennes, ou parasitaires), et les autres rétinopathies secondaires à des maladies systémiques sont beaucoup moins fréquentes.
1 — La rétinopathie secondaire aux occlusions artérielles et veineuses
La rétine reçoit le sang d’une seule artère l’« artère centrale de la rétine », qui se divise ensuite à la surface de la rétine. Le sang veineux est drainé par une seule veine la « veine centrale de la rétine ». Toute la circulation de la rétine passe par le nerf optique. Artères et veines entretiennent des rapports particuliers dans la rétine : ainsi, artère et veine centrales de la rétine cheminent ensemble dans le nerf optique ; de plus, artères et veines se croisent fréquemment à la surface de la rétine.
1) Les occlusions artérielles rétiniennes
a) Epidémiologie des occlusions artérielles rétiniennes
Les occlusions artérielles rétiniennes (OACR, occlusion de l’artère centrale de la rétine) sont caractérisées par une baisse de la vision et un déficit du champ visuel d’un seul œil et d’apparition brutale ; elles concernent environ 6 000 personnes par an en France et touchent principalement les hommes de plus de 60 ans.
b) Physiopathologie des occlusions artérielles rétiniennes
Il s’agit de l’arrêt de la circulation sanguine au niveau de la rétine avec une souffrance des cellules par manque d’oxygène au bout de quelques heures, équivalent à un infarctus de la rétine. Il en existe deux formes principales : l’OACR (occlusion de l’artère centrale de la rétine) et l’OBAR (38% des cas d’occlusions artérielles : occlusion de branche artérielle rétinienne, habituellement moins sévère).
c) Etiologies et facteurs de risque des occlusions artérielles rétiniennes
Les causes principales de l’occlusion artérielle rétinienne sont connues :
- occlusion par emboles (caillots) : principalement lors de la pathologie athéromateuse (encrassement des artères par des plaques de cholestérol) ou lors de pathologie cardiaque.
- occlusion par thrombose (fermeture du vaisseau) notamment dans l’artérite inflammatoire liée à la maladie de Horton (1 a 4 % des cas d’OACR chez les plus de 50 ans)
- troubles de la coagulation, notamment chez les sujets jeunes avec des déficits en protéines C ou S, en antithrombine, mutation du facteur V Leiden, résistance à la protéine C activée…
d) Diagnostic des occlusions artérielles rétiniennes
Le diagnostic est fait par l’ophtalmologiste lors de l’examen du fond d’œil. Il pourra parfois réaliser une angiographie rétinienne pour confirmer le diagnostic, bien que celle-ci puisse être normale malgré l’occlusion artérielle. La tomographie en cohérence optique (OCT) montre un œdème de la rétine secondaire à l’absence de perfusion (comme dans le cerveau lors de l’accident vasculaire cérébral ischémique).
e) Traitement des occlusions artérielles rétiniennes
Le traitement de l’occlusion artérielle rétinienne est une urgence ophtalmologique dans les 24h de son installation. Un traitement par fibrinolyse (comme dans l’accident vasculaire cérébral ischémique, l’injection dans la circulation générale de très fortes doses de médicaments permettant la fluidification du sang) est à l’étude, mais pour l’instant il s’agit principalement de traiter la cause (médicaments anti inflammatoires stéroïdiens à forte dose en cas de maladie de Horton, anticoagulants en cas de pathologie embolique..).
f) Facteurs de risque des occlusions artérielles rétiniennes
Les principaux facteurs de risque retrouvés sont les facteurs de risque cardiovasculaires connus : hypercholestérolémie, hypertension artérielle, diabète, âge, sexe masculin, obésité, tabagisme…
Le principal facteur de risque de la maladie de Horton est l’âge.
g) Pronostic des occlusions artérielles rétiniennes
Le pronostic des occlusions artérielles rétiniennes réside surtout dans celui de la pathologie sous-jacente qu’elles peuvent révéler et qui peut engager le pronostic vital à court ou moyen terme. Le pronostic visuel est quant à lui mauvais lors d’occlusion artérielle rétinienne centrale, alors qu’il est bon dans les occlusions de branche artérielle rétinienne, avec une acuité visuelle finale supérieure à 5 dixièmes dans 80% des cas.
2) Les occlusions veineuses rétiniennes
- Epidémiologie des occlusions veineuses rétiniennes
Les occlusions veineuses peuvent survenir à tout âge, mais l’âge moyen de survenue est entre 55 et 65 ans. L’incidence en France est environ de 20 000 personnes par an.
- Physiopathologie des occlusions veineuses rétiniennes
Dans les occlusions veineuses rétiniennes, on observe un ralentissement brutal de la circulation veineuse dans la rétine, alors que la circulation artérielle reste normale. Il existe plusieurs formes d’occlusions veineuses en fonction de la localisation de l’obstruction : Occlusion de la Veine Centrale de la Rétine (OVCR) lorsque l’occlusion se situe dans le nerf optique, Occlusion de Branche Veineuse Rétinienne lorsqu’elle survient à un croisement arterio-veineux dans la rétine.
Lorsqu’une occlusion veineuse survient, le sang ne peut plus s’évacuer normalement hors de l’œil alors qu’il continue d’arriver par les artères : il en résulte un ralentissement de la circulation sanguine et une élévation de la pression sanguine qui règne dans les veines. Ces phénomènes se traduisent à l’examen ophtalmologique par une dilatation veineuse et des hémorragies diffuses.
La baisse de vision dans l’occlusion veineuse peut être due à :
- une ischémie (manque d’oxygène) secondaire au ralentissement circulatoire
- un œdème maculaire par gonflement de la rétine au niveau de la macula
- Causes des occlusions veineuses rétiniennes et facteurs de risque
La cause des occlusions veineuses est débattue et l’hypothèse de la formation d’un caillot dans les veines n ‘est pas prouvée.
Les principaux facteurs de risque retrouvés chez les patients sont l’hypertension artérielle et l’hypertonie oculaire (et/ou le glaucome), sans pour autant que l’on comprenne bien les rapports et les liens de cause à effet entre ces maladies.
Au niveau du mécanisme de l’occlusion des branches de la veine rétinienne, il semblerait que l’occlusion se fasse préférentiellement à un croisement de la veine avec une artère rétinienne, cette dernière étant rigidifiée, comme par exemple au cours de l’hypertension artérielle. Les occlusions veineuses sont différentes des phlébites des membres inférieurs, et n’ont pas de rapport avec le tabagisme. Une origine génétique est possible dans cette pathologie.
On ne retrouve généralement pas de cause à l’occlusion veineuse.
- Occlusion veineuse rétinienne : diagnostic
Le plus souvent, le diagnostic d’occlusion veineuse est réalisé par l’ophtalmologiste en examinant le fond d’œil.
Les examens complémentaires peuvent comprendre des photographies du fond d’œil, et parfois une angiographie (injection de produit fluorescent dans la veine du bras pour mieux voir les vaisseaux de la rétine et les conséquences éventuelles de l’occlusion).
Un OCT (« Tomographie en Cohérence Optique »), qui donne des images en coupe de la rétine à l’aide d’une lumière réfléchie par ses différentes couches, peut révéler la présence d’un œdème maculaire.
Un bilan biologique simple peut être proposé, pour rechercher par exemple un trouble de la coagulation (formation de caillot); un bilan sanguin et cardio-vasculaire plus poussé est parfois nécessaire, décidé au cas par cas. Ce bilan est le plus souvent normal, car on retrouve rarement une maladie générale en rapport avec l’occlusion veineuse (sauf l’hypertension artérielle).
- Pronostic et évolution de l’occlusion veineuse rétinienne
Une fois déclarée, l’évolution de la maladie, très variable d’un patient à un autre, est difficile à prévoir. Le plus souvent, la circulation se rétablit par réouverture secondaire de la veine ou développement de veines alentours, dites collatérales, qui reprennent en charge l’évacuation sanguine de la zone.
Plus la circulation reprend vite, moins les lésions rétiniennes seront importantes.
Ainsi, de nombreux patients guérissent (spontanément) sans séquelle. Chez d’autres, peut persister une altération de la vision à différents niveaux : fluctuations visuelles au cours de la journée, perception de « trous » dans le champ visuel (scotomes) et ceci alors même que l’acuité visuelle est remontée.
Dans d’autres cas, l’occlusion veineuse donne lieu à des complications chroniques de type œdème maculaire ou ischémie rétinienne, et en dernier lieu à une atrophie rétinienne (c’est-à-dire une perte des cellules nécessaires à la transmission de l’information lumineuse).
Le risque d’atteinte de l’autre œil, bien que non nul, est très faible.
2 — La rétinopathie Hypertensive
L’hypertension artérielle touche un adulte sur trois en France, elle est un facteur de risque cardiovasculaire majeur notamment lié à la rigidification des parois artérielles sur le long terme. La tension artérielle élevée a également des répercussions sur les vaisseaux rétiniens. Il existe deux types de rétinopathies hypertensives selon que l’hypertension artérielle est aiguë et réversible (élévation brutale de la tension artérielle mal tolérée), ou chronique et irréversible (modifications progressives de la paroi artérielle). Il est à noter que l’hypertension artérielle aggrave toujours une rétinopathie diabétique si elle est déjà présente.
Rétinopathie hypertensive aiguë
La rétinopathie hypertensive survient lors d’une augmentation brutale de la pression artérielle dans les capillaires rétiniens, dépassant leur capacité d’autorégulation. L’ophtalmologiste fait le diagnostic grâce à l’examen du fond d’œil qui peut montrer un rétrécissement du calibre des vaisseaux, des hémorragies ou encore un œdème de la papille. Cette rétinopathie peut se traduire par une gêne visuelle d’apparition brutale. Le traitement est celui de la cause de l’hypertension artérielle. Il n’existe que rarement des complications oculaires.
Rétinopathie hypertensive chronique
Il s’agit de l’artériosclérose rétinienne (épaississement de la paroi des petites artérioles) secondaire à une hypertension artérielle évolutive. La rigidification des artères rétiniennes ne cause pas de symptômes majeurs mais peut entrainer des complications à type d’occlusion veineuse de la rétine (occlusion de la veine par écrasement de cette dernière par l’artère rigidifiée), de macro anévrysmes artériels (déformations localisées de l’artère) pouvant se compliquer d’hématomes (saignements) pré, intra, ou sous-rétiniens engageant alors le pronostic visuel de l’œil atteint.