Pr Francine Behar-Cohen, Université de Paris, OphtalmoPôle de Paris, Centre de Recherche des Cordeliers
Rinath Lévy-Boukris
Qu’est-ce-que le glaucome ?
Le glaucome est une maladie grave de l’œil. Le glaucome est une atteinte progressive et irréversible du nerf optique. Il s’agit du nerf partant de la rétine, à l’arrière de l’œil et transportant les images jusqu’au cerveau. Le principal facteur de risque du glaucome est l’élévation de la pression à l’intérieur de l’œil (dit pression intraoculaire), conduisant à la destruction du nerf optique. Cette atteinte provoque des troubles de la vue sous forme de trous dans le champ de vision pouvant s’étendre jusqu’à conduire à la cécité.
Qu’est-ce que la pression intraoculaire ?
À l’intérieur de l’œil, un liquide est produit en permanence : c’est l’humeur aqueuse. L’humeur aqueuse est évacuée au travers d’un filtre situé à l’angle entre l’iris et la cornée ; ce filtre est appelé trabéculum. Si l’évacuation du liquide est ralentie, la pression à l’intérieur du globe oculaire s’élève anormalement. Cette augmentation de la pression intraoculaire peut provoquer la destruction progressive des fibres nerveuses qui composent le nerf optique.
Le Glaucome : est-ce une maladie grave ?
Le glaucome est une maladie grave, puisqu’il entraîne une altération de la fonction visuelle et une diminution du champ visuel pouvant aboutir, à un stade ultime, à la cécité. Le glaucome représente la 2ème cause de cécité au niveau mondial et la première cause en Europe ; il touche 1 à 3% de la population au-delà de 40 ans. Le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) est la forme la plus fréquente de glaucome.
On distingue différents types de glaucomes :
- Le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO)
- Le glaucome à angle ouvert secondaire : comprenant notamment le glaucome pigmentaire, le glaucome pseudo-exfoliatif, le glaucome post-traumatique, le glaucome néovasculaire, le glaucome phacolytique
- Le glaucome à angle fermé
Qu’est-ce que le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO) ?
Le glaucome chronique à angle ouvert est la forme la plus fréquente de la maladie (90 % des cas) en Europe. Il est provoqué par l’obstruction progressive du filtre d’évacuation de l’humeur aqueuse. L’altération de la vision est lente, indolore et sans gêne perceptible au début. Ainsi, ce glaucome évolue longtemps sans symptôme apparent s’il n’est pas dépisté.
Comme déjà mentionné, l’écoulement de l’humeur aqueuse est altéré au niveau de l’angle formé par l’iris et la cornée. Ceci conduit à une élévation de la pression intraoculaire et provoque, par des mécanismes non encore totalement élucidés, des lésions dans le nerf optique.
La pression intraoculaire se mesure grâce à des appareils dont dispose l’ophtalmologiste ; elle est exprimée en millimètres de mercure (mm Hg). Cependant, le seul chiffre de la pression oculaire ne permet pas de dire s’il y a un glaucome. De nombreuses personnes dont la pression est légèrement supérieure à 20 mm Hg ne présentent aucune maladie et ne nécessitent souvent qu’une simple surveillance sans traitement.
A l’opposé, il existe des patients dont la pression n’a jamais dépassé 20 mm Hg et qui présentent un glaucome, dans le cadre du glaucome dit « à pression normale » ou « à pression basse ». Lorsqu’un glaucome à pression normale (avec atteinte du nerf optique ou du champ visuel) est constaté, il est conseillé de faire baisser la pression oculaire en-dessous de la moyenne habituelle.
Quels sont les glaucomes secondaires ?
Les glaucomes secondaires sont liés à une cause traumatique (un choc sur l’œil) ou à une maladie inflammatoire ou congénitale.
Glaucome post-traumatique : après blessure de l’œil, comme par exemple après un choc violent, une brûlure, une blessure par pénétration d’un corps étranger dans l’œil, un glaucome post-traumatique peut se développer. Ainsi il est primordial que les personnes ayant eu des blessures aux yeux se rendent régulièrement chez un ophtalmologue. La même précaution vaut pour les personnes ayant subi des opérations importantes à l’œil dans le passé.
Glaucome pigmentaire : cette forme particulière de glaucome survient parfois chez les myopes. Dans cette maladie, le pigment normalement présent à la surface de l’iris est libéré dans l’œil et va boucher les voies d’évacuation de l’humeur aqueuse, ce qui entraîne une augmentation de la pression oculaire. La libération de pigment dans l’œil s’observe soit spontanément, soit lors d’un exercice physique soutenu.
D’autres facteurs peuvent également contribuer à la dégradation du nerf optique et être la cause de glaucomes : myopie forte, cornée anormalement fine, facteurs héréditaires, irrigation sanguine insuffisante du nerf optique, etc…
Qu’est-ce que le glaucome aigu à angle fermé ?
Le glaucome aigu à angle fermé est dû à une anomalie de l’anatomie de l’œil empêchant l’évacuation de l’humeur aqueuse à travers le trabéculum. L’humeur aqueuse reste totalement bloquée derrière l’iris. La pression à l’intérieur de l’œil augmente fortement. La personne ressent des symptômes caractéristiques : douleurs intenses, œil dur, baisse soudaine de la vision, maux de tête, nausées, vomissement,etc. Il faut alors voir un ophtalmologiste et agir en urgence, pour éviter que le nerf optique ne soit endommagé et que la personne devienne rapidement aveugle.
Quels sont les facteurs de risque connus du glaucome ?
Facteurs de risques
Les causes du glaucome ne sont pas connues. Elles sont vraisemblablement multiples.
L’augmentation de la pression intraoculaire au-delà de 21 mm Hg est le principal facteur. Cependant, toutes les hypertonies (ou hypertensions) oculaires n’entraînent pas un glaucome, et inversement il existe des glaucomes avec une pression intraoculaire dans les limites de la normalité.
Ainsi, plusieurs facteurs semblent néanmoins favoriser la survenue d’un glaucome :
• L’âge : le glaucome est souvent décrit comme une maladie liée à l’âge. Il survient en général à partir de 40 ans et sa fréquence augmente avec l’âge. Elle est supérieure à 10% après 80 ans.
• La myopie : le glaucome altère plus rapidement le champ de vision dans le cas d’une très forte myopie (où la vue est spontanément très faible) car l’œil myope est particulièrement fragile.
• L’hérédité : le risque de glaucome est augmenté si un parent est atteint, ce qui nécessite une sensibilisation et une surveillance particulière des patients rapportant de tels antécédents familiaux.
• Une hypertension artérielle, un diabète, une apnée du sommeil, une hypothyroïdie ou encore la prise prolongée de corticoïdes pourraient accroître le risque de glaucome.
• L’origine ethnique : on observe que les populations à peau noire sont plus touchées que les populations à peau blanche. Les patients d’origine hispanique présentent aussi un risque accru de développer un glaucome primitif à angle ouvert. Le glaucome primitif par fermeture de l’angle est plus fréquent chez les patients asiatiques ; enfin le glaucome à pression normal est retrouvé avec une fréquence accrue chez les patients japonais.
Quels sont les symptômes du glaucome ?
Le glaucome chronique à angle ouvert est imperceptible pour le patient et d’évolution insidieuse. Avant l’apparition des premiers symptômes, le patient peut ignorer longtemps sa maladie tant qu’il n’est pas gêné dans sa vie au quotidien.
C’est pourquoi son diagnostic est souvent posé par hasard lors d’un examen ophtalmologique pour un autre motif (myopie, presbytie…). Il peut également être diagnostiqué lors d’examens de suivi chez une personne présentant des facteurs de prédispositions au glaucome.
La gêne visuelle n’apparait que tardivement et peut être révélatrice d’un glaucome déjà évolué comme la dégradation périphérique du champ visuel et ses conséquences potentielles (chutes, accident de voiture, etc.).
Dans le glaucome aigu, les choses sont différentes : la montée de la pression oculaire est très rapide, en quelques heures, et le patient ressent des douleurs de l’œil, une rougeur oculaire, voire même des nausées et des vomissements. La vision est rapidement brouillée, et le patient peut percevoir des halos colorés autour des lumières vives. Le glaucome aigu est une urgence qui nécessite de consulter en urgence, car la vue peut être irrémédiablement compromise.
Quelles sont les personnes plus facilement atteintes de glaucome ?
Le glaucome et la myopie
La myopie n’est pas synonyme de maladie plus grave, mais de maladie plus fréquente, surtout lorsque la myopie dépasse 7 à 8 dioptries. Dans le cas d’une très forte myopie (où la vue est spontanément très faible), l’œil est particulièrement fragile et le glaucome altère plus rapidement le champ visuel. Il est en outre plus difficile de faire la part de ce qui est dû à la myopie ou au glaucome lorsque l’on examine le nerf optique de ces patients.
Une forme particulière de glaucome survient parfois chez les personnes myopes : c’est le glaucome pigmentaire.
Le glaucome et les personnes âgées
Par définition, le glaucome n’est pas une maladie du sujet âgé et peut survenir à tout âge de la vie, y compris dès la naissance. En revanche, la fréquence du glaucome augmente avec l’âge, particulièrement après 70 ans où plus de 10% de la population aurait un glaucome.
Le dépistage du glaucome doit se faire avant 70 ans, vers la cinquantaine (au moment où on commence à avoir des difficultés à lire sans lunettes).
Le glaucome et la cataracte
La cataracte et le glaucome sont deux maladies bien différentes, même si elles peuvent survenir chez un même patient. Etant donné que le glaucome et la cataracte sont des maladies oculaires plus fréquentes chez les personnes âgées, il n’est donc pas rare de les voir ensemble.
Généralement liée au vieillissement, la cataracte est due à une opacification progressive du cristallin. Le cristallin est une lentille de forte puissance, présente au milieu de l’œil. Son rôle est de centrer les images sur la rétine afin que la vision soit nette, en particulier en vision de près. Lorsque la cataracte devient très présente, elle gêne la vision de loin et de près au point de devenir génante dans la vie quotidienne. Son traitement est uniquement chirurgical. Votre ophtalmologiste est le mieux qualifié pour savoir s’il est préférable d’opérer la cataracte et le glaucome en même temps ou séparément.
Le Glaucome : enfants et adolescents
Le glaucome est surtout une maladie de l’adulte mais peut toucher, très rarement, les enfants et les adolescents. Chez le petit enfant de moins de 3 ans, le glaucome, qu’on appelle glaucome congénital, se manifeste par un œil un peu trop gros et craignant la lumière.
Un examen ophtalmologique sous anesthésie générale doit être fait très rapidement afin de s’assurer du diagnostic et une opération est faite rapidement pour éviter l’aggravation de la maladie. Chez l’adolescent, le glaucome est dit « juvénile » et est souvent caractérisé par des pressions oculaires élevées. Dans ce cas, l’œil a un aspect tout-à-fait normal pour l’entourage. Le glaucome juvénile survient généralement dans des familles présentant déjà des glaucomes similaires, ce qui justifie un dépistage systématique de la maladie dans les familles « à risque ».
La plupart des glaucomes congénitaux ou juvéniles doivent être opérés, mais des collyres (gouttes) peuvent également être prescrits, en particulier lorsque la chirurgie est insuffisante pour contrôler la pression oculaire.
Comment diagnostique-t-on un glaucome ?
S’il suspecte un glaucome, l’ophtalmologiste pratique un examen clinique et des explorations complémentaires.
Quatre examens sont réalisés :
• observation de la tête du nerf optique (appelée papille optique) par un examen du fond de l’œil ou par tomographie en cohérence optique (ou OCT) ;
• mesure de la pression intraoculaire, par tonométrie ;
• examen de l’angle d’écoulement du liquide intraoculaire (ou humeur aqueuse) par gonioscopie ;
• évaluation du champ visuel. Cet examen met en évidence le retentissement du glaucome sur le nerf optique et sa progression. Le glaucome se caractérise en effet par une atteinte progressive et irréversible du champ visuel, d’abord périphérique et qui passe longtemps inaperçue.
Quels sont les traitements du glaucome ?
En cas de risque important de glaucome, ou de glaucome certain, un traitement est mis en place. Le traitement du glaucome a pour but de ralentir au maximum la perte des fibres optiques, et de préserver ainsi la vision. L’enjeu est important car la perte des fibres optiques est irréversible. Suivant la gravité et le type de glaucome, il existe différents types de traitements qui ont fait la preuve de leur efficacité : collyres, laser et chirurgie. Ils agissent tous en abaissant la pression intra-oculaire.
Quels sont les traitements médicaux du glaucome ?
Le traitement du glaucome à base de collyres abaisse la pression intra-oculaire en diminuant la sécrétion d’humeur aqueuse (les bêta bloquants) ou en facilitant sa sortie de l’œil (les prostaglandines). Ce traitement doit être pris de manière consciencieuse car l’effet des collyres cesse après quelques heures. Les gouttes doivent donc être prises très régulièrement afin de garantir les meilleures conditions du traitement du glaucome et le meilleur résultat.
Les implants à délivrance prolongée : une nouvelle voie de recherche pour le confort des patients.
Dans le domaine du traitement médical, plusieurs laboratoires ou équipes de recherche développent des implants intraoculaires permettant une délivrance prolongée de médicaments hypotonisants (qui abaissent la pression intraoculaire).
Les avantages de cette nouvelle voie d’administration des traitements anti-glaucomateux sont nombreux :
• délivrance prolongée du médicament avec effet constant sur toute la journée et possiblement moins de fluctuations de la pression intraoculaire sur 24 heures,
• absence de risque de mauvaise observance,
• absence d’effet toxique sur la surface oculaire.
Ces résultats augurent peut-être d’une révolution dans le traitement du glaucome.
Quels sont les traitements lasers du glaucome ?
Le traitement laser de l’angle irido-cornéen :
Le patient atteint de glaucome peut être traité par une technique basée sur du laser, appelée trabéculoplastie. Ce traitement agit en améliorant la perméabilité du trabéculum. Les résultats ne sont généralement pas définitifs. Il est alors nécessaire de renforcer ou de reprendre le traitement par collyre quelques mois ou quelques années plus tard.
Le traitement laser des procès ciliaires : le cyclo-affaiblissement
Les procès ciliaires fabriquent l’humeur aqueuse qui remplit le globe oculaire. Le traitement laser des procès ciliaires a pour objectif de diminuer la production d’humeur aqueuse et donc de diminuer la pression intraoculaire. Ce traitement est réservé aux situations d’échec thérapeutique (glaucome réfractaire) avec une acuité visuelle faible, inférieure à 1/20. Son utilisation est limitée du fait de la variabilité du résultat et du risque d’endommagement des structures adjacentes.
Glaucome : quelle est la place du traitement chirurgical ?
Chirurgie filtrante
La chirurgie filtrante consiste à créer une dérivation de l’humeur aqueuse pour la faire sortir de l’œil. Elle est envisagée si, malgré les traitements précédents, la pression intraoculaire reste élevée et que le glaucome continue d’évoluer, entraînant une détérioration du champ visuel. L’intervention stoppe la progression du glaucome, mais ne permet pas de récupérer les capacités visuelles perdues. On peut réaliser une chirurgie filtrante perforante, la trabéculectomie, ou une chirurgie filtrante non perforante, la sclérectomie profonde.
Traitement du glaucome : les voies de la recherche
Elles peuvent se résumer par quatre grandes orientations :
- Une meilleure connaissance des différents facteurs de risque d’apparition et de progression de la maladie glaucomateuse
- Une amélioration des moyens de dépistage précoce et de détection de la progression du glaucome
- La mise au point de nouveaux traitements médicamenteux ou de nouvelles formes d’administration, de nouveaux traitements physiques (ultrasons), ainsi que l’amélioration des techniques chirurgicales
- Le développement des connaissances pour une action protectrice directe au niveau du nerf optique (médicaments neuroprotecteurs).
La recherche actuelle permet d’envisager une meilleure maîtrise de cette affection du nerf optique qui reste toutefois bien contrôlée dans 80% des cas, à condition qu’elle soit diagnostiquée suffisamment tôt et bien prise en charge.
Sources et liens complémentaires
https://www.quinze-vingts.fr/maladies_de_l_oeil/glaucome/
http://swissglaucome.ch/CMS/fr-FR/Glaucome/Differentes-formes.aspx?Sel=369&lg=3
https://www.unadev.com/wp-content/uploads/2017/03/dossierdepresse-glaucome-13mars17.pdf
http://www.leglaucome.fr/sinformer/les-personnes-atteintes/
http://www.leglaucome.fr/sinformer/
https://www.guide-vue.fr/la-sante-de-vos-yeux/pathologies-adultes/traitement-d-un-glaucome