Frédéric Mascarelli, Dr d’Université, INSERM, Centre de Recherche des Cordeliers
DMLA et maladie d’Alzheimer : épidémiologie
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA en français ou Age-related Macular Degeneration, AMD en anglais) est la cause première de la perte de la vision centrale (1,5 million de patients en France et 170 millions dans le monde). Les projections estiment à 2.2 millions le nombre de patients en 2040. Des facteurs de risques environnementaux et génétiques, comme le tabagisme, l’obésité, l’hypercholestérolémie, l’hypertension et des gènes de l’immunité sont impliqués dans le développement de la DMLA. L’âge est le principal facteur de risque. Du fait de la complexité des causes de la pathologie, les traitements actuels ne sont pas totalement satisfaisants.
Des études ont montré que trois systèmes très liés sont impliqués dans la DMLA : le métabolisme des lipides, le stress oxydant et l’inflammation. Ces trois systèmes ainsi que certains facteurs de risque de la DMLA sont aussi impliqués dans la maladie d’Alzheimer, pour laquelle il n’y a pas de traitement à ce jour. La maladie d’Alzheimer est une pathologie dégénérative progressive et la forme la plus commune de démence chez la personne âgée. Elle affecte progressivement les fonctions cognitives de l’individu (mémoire, langage, raisonnement…). Aujourd’hui, environ 900 000 patients atteints de la maladie d’Alzheimer sont recensés en France et 35,6 millions dans le monde. Selon les prévisions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le nombre de malades devrait presque doubler tous les 20 ans. La similarité entre ces deux pathologies qui ne sont pas directement liées, a fait dire à certains auteurs, que la DMLA pourrait être la maladie d’Alzheimer de l’œil.
DMLA
La DMLA est caractérisée par la formation sous la rétine neurale de dépôts extracellulaires enrichis en lipides et contenant des protéines comme l’amyloïde bêta, que l’on nomme drusen et qui se forment sous l’effet du stress oxydant. Les drusen contenant des lipides oxydés induisent une inflammation chronique, avec une activation des cellules inflammatoires qui favorise le développement de la DMLA. Ces événements participent à la dégénérescence de certaines cellules de la rétine impliquées dans la vision, comme les photorécepteurs et les cellules de l’épithélium pigmentaire (EPR).
Maladie d’Alzheimer
Les deux caractéristiques de la maladie d’Alzheimer sont la présence dans le cerveau de plaques séniles observées à l’extérieur des cellules nerveuses et qui sont constituées de la protéine amyloïde bêta, et de dégénérescences neurofibrillaires dues à des enchevêtrements de fibrilles qui sont présentes à l’intérieur des neurones. L’oxydation des lipides est fortement impliquée dans la maladie d’Alzheimer. Ces événements s’accompagnent d’une inflammation due à la présence de cellules inflammatoires activées.
DMLA et maladie d’Alzheimer : similitudes
Dans la maladie d’Alzheimer, l’amyloïde bêta est une des molécules impliquées dans la dégénérescence des neurones via le stress oxydant et l’inflammation. De même pour la DMLA, des études sur des modèles de la pathologie montrent un rôle de l’amyloïde bêta dans la dégénérescence des photorécepteurs, de l’EPR via un stress oxydant et l’inflammation.
Les formes de cholestérol oxydé, comme le 24-(S)-hydroxycholesterol (24S – OHC) sont impliquées dans la DMLA et dans la maladie d’Alzheimer, mais diversement. Dans la DMLA, le 24S – OHC est capable d’augmenter la production d’amyloïde bêta, le stress oxydant, l’inflammation de l’EPR, et de plus forts taux de 24S-OHC ont été observés chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer comparés aux personnes âgées saines.
En conclusion, la DMLA et la maladie d’Alzheimer partagent de nombreux facteurs de risques et des mécanismes de neuro-dégénérescence communs. Bien que ces deux pathologies ne soient pas directement liées, le fait que les mécanismes pathogéniques, impliquant le stress oxydant, l’inflammation, l’oxydation des lipides et la présence d’amyloïde béta, soient communs, suggèrent que de futurs traitements visant ces phénomènes puissent être employés pour traiter à la fois la DMLA et la maladie d’Alzheimer.