Les endonucléases sont des enzymes qui coupent l’ADN. Si l’activité endonucléase est très importante dans une cellule, les systèmes de réparation de l’ADN ne peuvent plus réparer et elle se retrouve avec un génome très abîmé ce qui la fait mourir.
Cette découverte a été très intéressante car nous avons montré, pour la première fois, qu’une protéine qui protège la cellule peut, à l’image de Judas ou d’un cheval de Troie, se transformer en son pire ennemie, l’outil de sa destruction.
A l’heure actuelle on s’aperçoit que cette propriété, antimort dans certaines circonstances, pro-mort dans d’autres, est loin d’être une exception. De fait, les études menées par de nombreuses équipes montrent que les protéines qui avaient été considérées promort par excellence ont aussi une fonction importante pendant la vie de la cellule. Ceci a pris une telle ampleur qu’il est actuellement considéré, par la communauté scientifique, que si une protéine pro-mort n’a pas une fonction connue dans la survie des cellules c’est juste parce qu’on n’a pas encore été capables de trouver cette fonction.
On pourrait légitimement se demander si toucher aux molécules qui participent à la mort d’une cellule peut effectivement affecter leur destin. Nous avons étudié ceci en utilisant un modèle de dégénérescence rétinienne artificiel, la dégénérescence induite par la lumière (figure 2).
Nous avons montré que la mort des photorécepteurs qui se produit dans ce modèle expérimental passe par la voie que nous avons décrite précédemment. Nous avons donc inhibé cette voie. Pour ceci nous avons injecté dans les yeux de rats un inhibiteur de l’enzyme qui transforme l’anti-protéase en endonucléase.
Cette injection nous a permis de protéger les photorécepteurs comme on le voit sur la (figure 3).
Ces résultats sont très encourageants car ils suggèrent que l’idée de base est à même de fonctionner. C’est une bonne nouvelle. À un détail près.
Cette approche ne peut pas être appliquée partout mais seulement dans les cas où c’est cette voie de la mort cellulaire qui s’active.
Ceci nous ramène à la notion initiale. Pour avoir une action sur la mort des cellules, pour les protéger, il faut connaître les mécanismes de mort dans la pathologie que nous voulons traiter.
Nous espérons, dans les prochaines années, pouvoir développer cette approche. Nous devons pour cela caractériser les types de mort cellulaire dans différentes pathologies rétiniennes, puis imaginer des moyens de les contrôler.
Nous devons aussi développer la recherche fondamentale sur ce sujet. En effet, rien ne nous laisse penser que toutes les voies de la mort cellulaire ont été, à ce jour, caractérisées.
LEXIQUE :
• Apoptose : l’apoptose est la mort cellulaire programmée. L’apoptose désigne l’ensemble des mécanismes survenant au sein de la cellule et aboutissant à la mort de celle-ci physiologiquement c’est-à-dire normalement et ceci après que la cellule ait reçu un message entre autres d’interleukines ou après un contact avec des cellules tueuses.
• Endogène : terme ou adjectif désignant ce qui se produit dans un organisme ou qui émane de celui-ci (qui provient du dedans, qui prend naissance à l’intérieur) par opposition à ce qui est exogène.
• Intégrine : récepteur situé sur une membrane cellulaire.
• Interleukine : substance fabriquée par l’organisme, ayant des propriétés antivirales et anticancéreuses susceptibles de s’adapter au fonctionnement immunitaire (système permettant à une personne de se défendre).
• Mécanisme anti-oxydant : substance qui diminue l’oxydation et qui protège l’organisme contre les dommages causés par les radicaux libres.
• Néoangiogénèse : processus décrivant la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins (néovascularisation) à partir de vaisseaux préexistants.
• Normoxie : état du corps pour lequel le dioxygène (O2) en concentration normale dans le sang permet une activité normale.
• Péricyte : cellule qui possède de longs prolongements cytoplasmiques, localisée sur la lame basale des tubes endothéliaux des vaisseaux, qu’elle entoure par ses prolongements.
• Stress nitrosant : modifications de la structure chimique des molécules par les espèces réactives de l’azote.